ION MINULESCU - le poète qui a apporté la bohème de Paris à Bucarest
Il y a presque cent ans, en 1904, l'un des poètes roumains parmi les plus populaires et les plus bien-aimés, Ion Minulescu, rentrait à Bucarest en provenance de Paris. Il avait non pas seulement l'air non-conformiste, propre aux poètes symbolistes français, mais aussi l'allure de la bohème de l'époque. Minulescu portait une lavallière en couleurs vives et des manteaux coupés selon la dernière mode de la ville arrosée par la Seine, il fumait le cigare et était toujours prêt à faire un pied de nez à celui disposé à entamer de sèches discussions ankylosées dans de vieux modèles traditionalistes. Et cela, car en dehors de lectures passionnantes de Baudelaire, Laforgue, Lautréamont, Verhaeren, Maeterlinck, à Paris, il avait fait la connaissance de Jean Moréas, il avait fréquenté presque tous les cafés littéraires de la ville et rencontré pas mal de fois la bohème qui en franchissait le seuil. Il va de soi, que tout cela n'était pas de nature à passer sans laisser de fortes traces sur le poète roumain.
Après le retour à Bucarest, c'est toujours dans le milieu des cafés qu'Ion Minulescu déploie son activité littéraire. Il visite surtout le café Capsa - local célèbre, situé sur Calea Victoriei et lieu de rencontre pour la plupart des grands noms de l'époque. Ecrivains, artistes, journalistes s'y rendaient pour débattre presque toutes les questions importantes du jour.
Aperçu biobibliographique Ion Minulescu, dont le 120e anniversaire de la naissance est le 7 janvier, est né à Bucarest dans une famille de commerçant. Le lycée, il le fit à Pitesti et à Bucarest. Ses débuts littéraires, dans le domaine de la poésie, datent de 1897 et sont liés à la revue "Povestea Vorbei" (Histoire de la Parole). En 1900, Minulescu est bachelier, il part pour Paris, d'où il reviendra quatre ans plus tard. Il a accompli de différentes fonctions administratives et culturelles. Sur le plan littéraire, il fut le collaborateur des revues Convorbiri critice (Dialogues critiques), Viata noua (La Vie nouvelle), Viata literara si artistica (La Vie littéraire et artistique), etc. qui publièrent ses vers dont le succès était immense. Minulescu fit également paraître ses propres revues : Revista celorlalti (La Revue des autres, 1908), Insula (L'Ile, 1912), Cititi-ma (Lisez-moi, 1922). Il est membre fondateur de la Société des Ecrivains roumains (en 1928, elle lui attribue le Prix National de la Poésie), de la Société des Ecrivains dramatiques (en 1926, Minulescu était directeur au Théâtre National de Bucarest), membre du PEN-Club, officier de la Légion d'Honneur, lauréat des "Palmes académiques" .
La poésie de Minulescu, appartenant au courant symboliste, laisse voir sa préférence pour l'ironie et l'humour, pour le mystère et le bizarre qui s'y entremêlent de façon originale : Romante pentru mai tarziu (1908), De vorba cu mine insumi (1913), Strofe pentru toata lumea (1930), Nu sunt ce par a fi (1936). En prose, il écrit toujours des romans symbolistes : Casa cu geamuri portocalii (1908), Rosu Galben si Albastru (1924, chronique de guerre vraiment savoureuse quant à son contenu et à son expression), Corrigent la limba romana (1929, roman autobiographique). Original dans ses oeuvres et pittoresque dans la vie quotidienne, Ion Minulescu s'est affirmé au cours de la période d'entre-deux-guerres, soit la plus orageuse de la culture roumaine. C'est l'époque où "les cimes" de la littérature roumaine moderne se sont imposées : Mihail Sadoveanu, Liviu Rebreanu, Tudor Arghezi, Lucian Blaga, Vasile Voiculescu, Nichifor Crainic, Ion Pillat, etc. Dans ce contexte, Minulescu apporte la nostalgie et les parfums de pays lointains dans la poésie lyrique roumaine. Il y apporte aussi un brin de non conformisme et de bohème parisienne, souvenir des inoubliables années passées sur les rives de la Seine.
Une descendance tout à fait fantaisiste ...
Il est bien connu : en Roumanie, tout comme dans n'importe quel autre coin du monde, des périodes ont existé où certains écrivains et des artistes riches en fantaisie ont puisé à leur propre arbre généalogique pour y trouver des ascendants célèbres, de haute souche, à même de faire accroître leur prestige aux yeux des contemporains. Se présenter comme l'héritier d'un fameux "nom" de l'histoire ou des arts était certainement tout à fait autre chose que d'avoir une origine sociale bien modeste. Il existe des écrivains, faute d'origines nobles, se sont fabriqués leur propre biographie. Mateiu Caragiale, par exemple, fils du célèbre dramaturge I.L.Caragiale, soutenait que ses aïeuls avaient été "de grands comtes" , idée qui éveillait souvent l'ironie de son père, lequel, homme plus pratique, lui rappelait que leurs grands parents, des commerçants grecs, avaient porté le plateau sur la tête. Ion Minulescu, quant à lui , déclarait dans certains milieux avoir pour aïeul ... Tudor Vladimirescu, dirigeant de la révolutio...